A - La recherche du savoir nous apporte le bonheur
Selon Al-Farabi, la recherche du savoir mène à la vertu (équilibre entre l'extrême et le laxisme dans la vie1), ce qui mène au bonheur 2
En revanche, les autres (amour, argent ou santé) mènent à des vices (extrémisme ou laxisme), donc ne donnent pas accès au bonheur mais à un bonheur vain, car ce ne sont que des moyens, pas une fin :
- La santé (la vie devrait se limiter à ce qui est nécessaire, ce qui réduirait a priori la vie à l'état animal)
- L'argent (la vie se limiterait à atteindre juste des biens ou services, ce qui serait implicitement superficiel)
- L'amour (la vie à atteindre des recherches de sentiments d'affection et de plaisir, ce qui ne serait pas durable).
Al-Farabi propose que si ces 3 valeurs étaient toutes réunies dans l'optique de chercher du savoir, cela procurerait le bonheur3.
En quoi la recherche de savoir va procurer le bonheur, allez-vous me dire ?
Prenons un exemple : plus j'écris, et plus mon écriture s'améliore, et en même temps, cela procure de la satisfaction et de la joie, et l'amour que j'y rapporte augmente. Ainsi, si la persévérance dans la recherche de l'amélioration de l'écriture est faite de manière continue, c'est cet état qu'on appellera le bonheur4. Et comment améliorer son écriture ? Par la recherche de vérité, qui augmentera le savoir général (savoir, savoir-être et savoir-faire) relatif à ces dites actions (l'écriture comme l'amour, l'argent ou la santé). Autrement dit, l'innovation améliorera l'action, ce qui augmentera la satisfaction procurée par cette action ! Ainsi, si on veut rechercher le bonheur, on doit le faire en persévérant dans la recherche continue de l'amélioration d'une action qui nous procure de la joie et de la satisfaction. Pour ce faire, on doit rechercher la vérité.
Et c'est le résultat de ces deux recherches parallèles qui causera une vie modérée :
La recherche de la connaissance nous évite le laxisme (obtenir cette satisfaction continue en attendant de recevoir l'amour de sa vie, attendre que l'argent tombe du ciel, ou attendre que les maladies se soignent toutes seules)
Et nous évite l'extrémisme (forcer la personne à nous aimer, prêt à commettre des atrocités pour l'argent, laisser les maladies se répandre), dont voici l'illustration :
Ce qu'elle améliore dans ces actions (comprendre par une réflexion philosophique qu'on ne peut pas être aimé de tout le monde, développer des business models pour avoir plus d'argent, trouver les solutions scientifiques contre ces maladies).
À noter que l'idée de la conception du bonheur d'Al-Farabi, qui s'est inspiré en grande partie d'Aristote et Platon, est similaire à l'idée d'utilitarisme hédonisme de Bentham : une recherche constante d'un court plaisir, mais qui, répétée, deviendra un état de bonheur.
B. Critique et Avis : le Problème du Juste milieu
Bien qu'inspirée d'Aristote et Platon, cette conception paraît plutôt solide en faisant de la recherche de la vérité – ou plutôt dans un contexte plus moderne, de l'innovation – une nécessité pour que des actions procurant de la satisfaction (aimer, chercher l'argent, améliorer notre santé) atteignent le bonheur quand cette satisfaction devient constante.
Cependant, la vertu (recherche d'un équilibre entre extrême et laxisme) est problématique : chercher le juste milieu entre deux extrêmes mène à des conclusions utopiques, mais surtout pas conformes à la vérité. Si ces paradigmes disposent d'outils de vérifiabilité propres (comme le principe de non-contradiction pour les propositions ou des fonctions logiques), et si le juste milieu n'en fait pas partie, son utilisation n'a aucun rapport et n'apporte rien à la résolution de problème. Avec un exemple : si un élève trouve 8 à l'opération 6+4 et qu'un autre trouve 10, est-ce que celui qui va dire 9 aura raison car c'est entre les deux positions ? Les outils de vérifiabilité s'avèrent importants, pour ne pas dire nécessaires, pour valider des idées ou éviter de tomber dans une simplification erronée.
Personnellement, je suis d'avis que la connaissance (précisément son substitut, la vérité) soit la valeur la plus haute, étant donné qu'elle a pour fonction de rappeler ce qui est. De ce fait, toutes les autres valeurs doivent se baser sur ces étants pour ne pas être guidées dans une illusion. Autrement dit, la vérité établit les conditions des autres valeurs pour être. Donc le rappel à ce qui a été mentionné donne à la vérité une valeur de guidance : celle-ci est comme un guide touristique qui permet aux autres valeurs d'être guidées vers "l'Être". Prenons une illustration appliquée : avant de dire qu'une chose est bien ou mal, ne serait-il pas fondamental de définir ce qui est mal ou bien ? Non par un dictionnaire, mais par la réflexion et un examen par la raison de ces étants (bien ou mal). Par la suite, c'est avec cette activité que l'on pourra distinguer et définir ce qu'ils sont. Maintenant, cette réflexion n'est peut-être pas sans défaut, étant donné qu'en suivant ce même raisonnement, ça pourrait même se retourner contre cette explication : puisque si on part du principe que la vérité, c'est une correspondance à la réalité via le langage, le langage n'est-il pas ce qui fait manifester la vérité en soi, qui par la suite va donner une définition du reste ? Pour autant, bien que j'affirme cette position, il est tout à fait compréhensible de croire que la moralité, l'argent ou la famille soient considérés comme les valeurs ultimes.
Notes et références (Source)
Sylvain Roux, La Recherche du principe chez Platon, Aristote et Plotin, Paris, Vrin, 2005, p. 258. (Pour la définition de vertu)
TRAITÉ DES OPINIONS DES HABITANTS DE LA CITÉ IDÉALE, Introduction, traduction et notes par Tahani Sabri, Page 28.
Ibid. (P.113)
Ibid. (P.114)
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